23 Avril 2018
Ça aurait pu être toi devant l'objectif, ce jour de janvier.
Toi qui aurais longuement contemplé cet horizon noyé par la pâleur de l'hiver et ces vols d'oiseaux découpés dans la blancheur du ciel.
Quelques mois, quelques ans que tu es parti. Inutile de compter plus précisément car la mort rend au temps sa dimension réelle : il n'est plus illusoirement newtonien et forme, avec l'espace, une seule entité qui se contracte ou se dilate au gré de la matière. Si les esprits l'ont découvert il y a peu, les âmes le savent depuis toujours.
Dans la bêtise de mon adolescence et l'intransigeance de ma jeunesse, je regardais de haut ton manque d'instruction et la pauvreté de ton vocabulaire alors que tu te saignais aux quatre veines pour que je puisse en acquérir un peu. Et si les livres m'ont appris et m'apprennent encore certaines choses, ce que je ne trouverai jamais dans aucun livre c'est toi qui me l'as appris.
Le contexte n'a pas permis que je puisse te dire au revoir dans la paix. Mais je viendrai un jour, contempler moi aussi cet horizon, seul avec toi, pour accomplir enfin cette promesse que tu m'as rappelée tant de fois, surtout les dernières années.
Et, quand tes particules infimes flotteront sur l'immensité, tu pourras poursuivre en paix, ce voyage sans fin et sans limite qui commence à peine..
Texte et photographies : ©Robert Loï – Tous droits réservés
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