4 Février 2023
Extrait :
J'ai toujours aimé la littérature et j'ai commencé à puiser mes histoires dans les mots des autres. Des pages à écrire que je n'avais qu'à arracher quand elles ne me convenaient plus. Enfin actrice de ma nouvelle vie, j'inventais mon propre roman, mon propre cinéma. Mon rôle préféré, celui de l'héroïne romantique, n'était pas des plus faciles. J'avais le talent, mais du mal à trouver les contextes, à planter les décors, et surtout, à rencontrer les hommes adéquats. La peur était bien là, l'envie de respirer aussi. Un peu avant mes quarante ans, je décidai de me séparer de mon mari.
Je fus confrontée avec brutalité au schéma aussi classique que déchirant de toute femme qui retrouve la liberté : la désapprobation de mon père qui désignera mon mari comme seule victime, ce dernier qui utilisera nos enfants pour me culpabiliser. Si j’osai évoquer l’officialisation de notre divorce, il menaçait de révéler d’anciennes tentatives de suicide suivies de séjours en psychiatrie, convaincu que cela découragerait un juge de me confier la garde des enfants. Je sais au fond de moi que je n'ai pas été une mauvaise mère, et si trop de mauvaises langues l'ont dit, quelques bons esprits ne l'ont pas cru. Il était parti s’installer dans une propriété de famille mais il avait gardé un jeu de clés de notre maison que j’habitais désormais seule avec les enfants. il y venait souvent à l’improviste, parfois en mon absence, s’installait dans le salon, regardait la télé, ouvrait le réfrigérateur. Je n’aimais pas ça, je ne me sentais pas vraiment chez moi, mais je ne disais rien. Il savait que je dépendais plus ou moins de lui matériellement et ne se gênait pas pour me le faire comprendre.
Il assumait mal notre séparation, l’idée que je puisse évoluer sans lui. Il tolérait que je rencontre d’autres hommes à condition qu’ils ne s’installent pas trop dans ma vie. Je n’avais pas l’énergie ni la volonté pour m’opposer à cette liberté surveillée, ni celles d’affronter une liberté véritable. Alors je laissais glisser les choses. Ce que je voulais, le savais-je vraiment… ?
Cette pseudo liberté, j’ai tenté de l’exploiter au mieux en rencontrant d’autres hommes. Beaucoup. La plupart me laissant après m'avoir consommée, sans jamais m'avoir aimée pour ce que j'étais, sans rien comprendre de ma profondeur ni de mes vraies attentes. Repartis aussi vite qu'arrivés, repus de cette enveloppe charnelle que j'ai toujours eu du mal à aimer, saignant un peu plus mon âme et tout ce qu'il y avait de beau dans le fondement de ma quête.
Texte et photographie : ©Robert Loï – Tous droits réservés
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